samedi 15 octobre 2016

La fin du monde aura-t-elle lieu dans 100 ans ?

Cette histoire courte de Science Fiction est une oeuvre protégée, histoire inventée et mise en scène par Raphaël Damain (Rafadam)

Aussi longtemps que je me souvienne j’ai toujours voulu être un savant, un génie, l’un de ces icono­clastes qui contribue au bien de l’humanité, fût-il incompris, rejeté ou condamné... Les progressistes sont freinés dans leur progression par la masse, sans parler de la blessure narcissique dont ils souffrent, du fait que le savoir est toujours un peu inaccessible. Toujours fuyant. Les générations de découvreurs se succèdent et le mystère reste entier... Dans l’histoire du progrès humain il n’y a qu’ingratitude. Celles et ceux qui en font partie m’ont inspiré, à l’excep­tion d’un fait qu’ils partagent : ils sont tous morts avant d’avoir vu le fruit de leurs contribu­tions. J’ai donc voué ma vie à rechercher l’élixir de jouvence, car je voulais retarder suffisam­ment ma mort pour voir le monde que j’avais imaginé.

C’est ce que j’ai fait. J’ai construit un bunker à dix mètres sous terre, quelque part dans un bled paumé à l’autre bout de la Terre. J’y ai installé mon labora­toire, une salle au milieu de laquelle se trouve mon lit d’éternité. Une seringue inoxydable m’alimente en nutriments, tandis qu’une autre fait circuler l’élixir dans mes veines. Mon lit mécanique vibre chaque jour d’une façon imperceptible pour animer mes membres engourdis, sans toutefois me réveiller. J’ai programmé un sommeil de cent ans...



Un siècle plus tard, je me suis réveillé à peine aminci. Ma barbe tombait au sol en des cercles concentriques.


« Bienvenue professeur Damain », dit alors mon robot d’infirmerie.

Je ne pus répondre tout de suite, car ma mâchoire était paralysée par les affres du temps. Mais qu’im­porte, je n’avais pas quitté Morphée pour parler au monde. Je n’étais là qu’en simple spectateur. La lumière tamisée s’intensifia avec une lenteur extrême, jusqu’à ce que mes yeux retrouvent la vue. J’avais hâte de remonter à la surface, pour voir le nouvel ordre.

Cent ans plus tôt, j’avais prévu l’avènement d’une humanité pacifique, dotée d’une pleine conscience du monde, associée à une volonté de vivre autrement, en parfaite harmonie avec tout ce qui vit... Inutile de dire que mes collègues, ces conformistes de premier ordre qui se faisaient passer pour des savants, se riaient de moi. Tous ces sceptiques et ces nihilistes d’académies ne parlaient que de « désastre écolo­gique imminent », « d’épuisement irréversible des réserves d’eau » ou encore de « guerres atomiques »... Je les ai laissés se rire de moi. J’ai laissé les académi­ciens camper sur leurs positions : ces gens-là ne sont bons qu’à se plaindre, incapables qu’ils sont d’ap­porter une quelconque contribution significative à la société des hommes, à lutter pour un idéal et servir une cause noble. Mais je digresse. Revenons au fait qui nous intéresse...

Je montais donc l’échelle qui devait me mener à la surface du Nouveau Monde. Quelle ne fut pas ma surprise en constatant qu’il était impossible d’ouvrir la porte, du moins à mains nues. J’ai tout de suite pensé qu’on avait construit un bâtiment par-dessus.

Je ne me suis pas endormi cent ans pour rester prisonnier sept pieds sous terre. Je suis passé par le conduit d’aération qui remontait à la surface deux kilomètres plus loin, près d’un lac en bordure de forêt. Tandis que je progressais dans le conduit, je sentis l’air se réchauffer, à tel point qu’il devint ir­respirable sur les derniers mètres. J’en déduisis que la forêt autrefois fraîche et luxuriante n’était probablement plus. Mais je devais en avoir le cœur net, et voulais voir ce qui bloquait l’entrée de mon bunker.

Je mis un peu de noir sous mes yeux et m’asper­geai d’eau, avant de sortir au grand jour. Ce fut comme entrer dans un four. La lumière m’aveu­glait. Je me réfugiai à nouveau dans le tunnel et, alors que ma vue se fit plus nette, je vis que l’eau que j’avais versée sur mon corps s’était déjà évaporée. Je refis surface, progressivement cette fois. L’air était intenable et je ne vis rien à l’horizon que des dunes ardentes. Dans la chaleur écrasante je crus néanmoins distinguer une masse blanche, posée juste au-dessus de mon bunker. Selon l’angle de vue, la lumière qui s’y reflétait devenait aveuglante.

Je revins me mettre à l’abri du soleil. Il me fallait des jumelles pour mieux observer cette masse. Je revins avec l’objet, m’aspergeai d’eau et ressortis. C’était un édifice rectangulaire, de toute évidence l’œuvre des hommes.

De retour au bunker, la curiosité m’obligea à forcer l’entrée, pour voir cette nouvelle humanité à l’œuvre. À l’aide d’une perceuse je fis un trou dans le béton. Un filet d’air frais me parcourut le front, contournant les gouttes de sueur qui s’y étaient formées. Je perçai un peu plus et tendis l’oreille. Les bruits provoquèrent en moi une vague réminiscence, celle de la grand-rue de ma ville, les soirs de grande affluence. J’entendais en effet les pas des badauds et un bourdonnement abrutissant. D’un œil je vis des lumières rouges et bleues fendre une salle obscure et haute de plafond. L’écho indiquait que la pièce était grande... à vrai dire, il s’agissait bien d’une rue... d’une rue commerçante. Je descendis à mon bureau et construisis un périscope archaïque avec le matériel que je trouvai et le miroir du vanity de mon ex... Aucun commentaire à ce sujet. 




Je pus alors avoir une vue panoramique de cette rue. Tout était sombre, la seule lumière provenant de quelques vieux lampadaires, sûrement alimentés par l’énergie solaire. Sur les étalages je ne vis que des plantes, qui semblaient être cultivées grâce à une lumière artificielle bleue et l’eau des nappes phréatiques. Petits et bossus, les gens étaient vêtus simplement et semblaient assez sales. Certains étaient torse nu. Je ne pus rien voir de plus. À vrai dire, j’en avais assez vu...

Cent ans après m’être endormi, je constatais avec amertume que le mode de vie de l’homme avait plus à voir avec celui des taupes qu’avec celui des hommes d’autrefois. Le réchauffement climatique avait eu raison de nos propres ardeurs, celles qui nous pous­saient jadis sur la pente du progrès. Je m’en suis donc retourné terminer mes jours dans mon bunker, un appartement isolé et frais. Un luxe pour l’époque…



1 commentaire:

  1. Cher Rafadam,
    Comment puis-je trouver le morceau sonore de cette histoire? Je l'ai écoutée il y a deux ans, mais il semble que la vidéo n'existe plus... Au secours!
    E.

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